III. L'appareil à dialyse

La dialyse est une technique de purification de solutions. En particulier, en médecine, la dialyse est une méthode d'épuration du sang à travers une membrane par osmose. Il existe plusieurs types de dialyses mais nous parlerons en particuliers de l’hémodialyse qui est la plus utilisée (plus de 90% des cas).
Les premières bases de la dialyse furent données par Thomas Graham dans la deuxième moitié du 19e siècle en utilisant du parchemin végétale comme membrane. Le premier rein artificiel  fonctionnel a été inventé en 1943 par le Dr Willem Kolff.
Le principe consiste à séparer deux solutions par une membrane. On distingue différents types de membranes, membranes haute perméabilité (qui laissent passer beaucoup de solvant) et basse perméabilité (qui laissent passer peu solvant). Par effet de différents procédés les petites molécules traverseront la membrane, tandis que les grosses molécules (souvent macromolécules) seront retenues d'un côté. La principale application de la dialyse dans le domaine médical concerne les personnes dont les reins ont cessé de fonctionner, temporairement (insuffisance rénale aiguë) ou définitivement (insuffisance rénale chronique au stade terminal).
Le produit d'une dialyse (solution de recueil des petites molécules) s'appelle un dialysat.

Appareil à hémodialyse complet (générateur + circuit extra-corporel)


1. Le fonctionnement

 

     A) L'hémodialyse


L’hémodialyse est pratiqué le plus souvent en centre hospitalier dans une unité médicalisé de dialyse (UMD) où ce sont les infirmières qui préparent la machine, branchent et débranchent le patient. Un médecin est présent lors de chaque séance afin de surveiller l’état de celui-ci. Elle peut se pratiquer aussi chez soi mais avec une formation préalable et l’aide d’un proche est nécessaire à la mise en place. Le patient aura toujours un suivi médical.
Le sang est d'abord pompé au niveau de l'avant bras par une machine pour l'envoyer jusqu'au dialyseur (ou rein artificiel). Celui-ci possède deux compartiments séparés par une fine membrane ; d'un côté arrive le sang du patient et de l'autre le liquide (dialysat) qui est composé d'eau et de différents minéraux. C'est alors que se produit le phénomène de diffusion (osmose) où, grâce à la différence de concentration entre le sang et le dialysat, les déchets présents dans le sang comme l’urée peuvent traverser la membrane et être enfin éliminer du corps du patient et le sang épuré sera alors renvoyé au patient.
Afin de permettre l'épuration des déchets dans le rein artificiel, le sang doit arriver à un débit assez important. Pour ce faire, une fistule artério-veineuse doit être confectionnée. Cela consiste à mettre une artère directement en contact avec une veine, le plus souvent au bras ou à l'avant-bras.
Une séance d’hémodialyse dure environs 4 heures, où environs 50 litres de sang est filtré. Les séances doivent être répétées 3 fois par semaine.

Les insuffisants rénaux chroniques en phase terminale traités par hémodialyse n'urinent plus ou très peu. Ils accumulent donc l'eau qu'ils ont ingérés par l'alimentation (eau, soupe, café, yaourt, etc...) et les déchets organiques qui ne sont plus filtrés. C'est cet excédent d'eau et de déchets qu'on élimine grâce à l'hémodialyse. Si on ne le fait pas, une partie de cette eau passera dans la circulation sanguine, augmentera la pression (hypertension artérielle) et ce jusqu'à l'œdème aigu du poumon, quant aux déchets ils risquent d’empoisonner le sang du patient.
On pèse donc le patient à son arrivée. On compare son poids d'arrivée avec et son poids idéal défini par le médecin après différents examens (une radio du thorax, une échographie cardiaque, un bilan sanguin) pour faire la prescription de PPT (Perte de Poids Totale). Grâce aux dispositifs techniques de maîtrise de l'ultrafiltration, installés sur les machines de dialyse, la filtration sera effectuée soit de manière continue par perte de poids horaire (PPH) constante, soit par filtration selon un profil prescrit.


     B) Différents échanges

Il existe en dialyse trois grands principes qui permettent les échanges entre le dialysat et le plasma du sang :
·        La diffusion (osmose) : La diffusion résulte d’un transport passif de soluté (molécules) du sang vers le dialysat au travers de la membrane sans passage de solvant sous l’effet de différence de concentration de part et d’autre de la membrane semi-perméable. Les molécules passent du compartiment le plus concentré vers le moins concentré. Ce passage se fait donc grâce au débit sanguin du dialysat.

·        L’ultrafiltration : c’est le passage de liquide et de solvant à travers une membrane semi-perméable sous l’effet d’une différence de pression allant de la plus forte vers la moins forte. Ce phénomène permet un passage plus facile de certaines molécules assez grosses comme la vitamine B12. Ce phénomène peut résulter également de la pression hydrostatique. Ce phénomène est dû aux différences de largeur des fibres capillaires à l’entrée et sortie du sang et dialysat. En effet ces fibres sont plus larges à l’entrée des deux liquides et plus resserrées à la sortie et étant donné que sang et dialysat passent en sens inverse, les différences de pressions, et donc l’ultrafiltration,  se feront surtout aux extrémités du dialyseur.

·        L’adsorption : la capacité d’une membrane vis à vis d’une protéine dépend de la possibilité de la protéine de pénétrer dans la membrane plus ou moins profondément et des relations entre charges électriques entrent en jeu. La membrane sera en général chargée négativement à l'aide de charbon actif afin de capter les ions sodium (Na+) plus facilement. Ce procédé permet de garder les protéines dans le sang du patient mais il existe un risque de boucher les pores de la membrane.

     C) Molécules échangées


L’appareil à hémodialyse filtre seulement les solutés allant jusqu’à 68 000 Da ou g.mol-1 soit le poids moléculaire ou la masse molaire de l’albumine afin de ne pas retirer de protéines de l’organisme du patient. Quant aux déchets du sang comme l’urée ayant un poids moléculaire ou masse molaire de 60 Da ou g.mol-1, ils sont parfaitement filtrés par le dialyseur.


Nom
Poids moléculaire ou masse molaire
(Da ou g.mol-1)
Eau
18
Urée
60
Créatinine
113
Phosphate
134
Acide urique
168
Glucose
180
Dextrose
180
Vitamine B12
1355
Albumine
68 000
Globuline
150000













 

 

2. Les différents composants


     A) Le dialyseur


Dialyseurs à fibres creuses ou "reins capillaires" : ils sont constitués d’un faisceau d'environ 10.000 à 15.000 fibres creuses, ou capillaires, aussi fin que des cheveux, d'un diamètre interne de l'ordre de 200 à 300 microns. Le faisceau de fibres est maintenu dans une coque polyuréthane cylindrique rigide. Le sang circule dans un sens et le dialysat dans l’autre car comme les fibres rétrécissent au fur et à mesure il y aura donc une différence de pression sur l’ensemble de du dialyseur ce qui permettra un procédé de filtration (voir ultrafiltration). L'importance de la surface de dialyse (en général 1,5 m2, correspondant à la surface de filtration glomérulaire de l'adulte normal), le fait que la gaine de plastique ne peut pas se distendre, le peu d'encombrement de ce type de dialyseur (cylindre de plastique de 20 cm de haut sur 5 cm de diamètre) et enfin sa facilité d'utilisation en font le matériel le plus utilisé.
Il existait aussi des dialyseurs à plaque mais ceux-ci ne sont plus utilisés depuis les années 2000.


Dialyseur capillaire utilisé au CHU Bel-Air Thionville

     B) Le générateur


Le générateur de dialyse permet de fabriquer le dialysat, qui sera séparé du sang du patient par une membrane semi-perméable. Cette membrane assure plusieurs types d’échanges entre le sang et le dialysat selon des phénomènes physiques. Elle laisse diffuser vers le dialysat les éléments présents en excès dans le sang et autorise l’évacuation d’eau ainsi que de certaines molécules de l’organisme grâce à un gradient de pression.
Avant de passer dans le rein artificiel, le dialysat passe dans un réchauffeur qui l’amène à la température du corps pour éviter que le sang restitué au patient ne soit froid.
Enfin, le générateur de dialyse contrôle les paramètres suivants :
·          Au niveau du dialysat : la conductivité, le PH et la température.
·     Lors du déroulement de la séance : le taux d’ultrafiltration (il s’agit de la proportion d’eau et de solutés de haut poids moléculaire que l’on décide de faire perdre au patient en jouant sur le gradient de pression appliqué sur la membrane du rein artificiel).
·          Au niveau du sang : la détection des fuites de sang et des bulles d’air éventuelles.

     C)    Le dialysat


Le liquide de dialyse qui circule dans le dialyseur, séparé du sang par la membrane semi-perméable, est composé d'eau et de sels minéraux à une concentration très proche de celle du liquide extracellulaire normal.
Le liquide de dialyse doit corriger l'acidose du malade par l'apport d'ions bicarbonates. Mais comme ils précipitent en présence de calcium et de magnésium, on a utilisé dès les premiers temps de la technique l'acétate de sodium, qui ne précipite pas, et qui sera transformé au niveau du foie en bicarbonate. La dialyse au bicarbonate est mieux tolérée, et elle doit être utilisée chez les malades à risque cardio-vasculaire ou lorsqu'on emploie des dialyseurs à haute performance.
La composition, en mmol/L, sera donc la suivante en fonction du type de dialyse choisi :



Dialyse à l'acétate
Dialyse au bicarbonate
Sodium
143
140
Potassium
2
2
Calcium
1,75
1,75
Magnésium
0,75
0,75
Chlore
112
112
Bicarbonate
0
31
Acétate
38
4
Glucose
0
8,3



Certaines variations de cette composition ont été proposées dans le but de corriger de manière plus précise l'équilibre hydro-électrolytique du malade:

·       La concentration du sodium, en général égale à celle de l'eau du plasma, est suffisante pour induire une soustraction par ultrafiltration de 3 à 4 litres d'eau au cours d'une dialyse de 4 heures. La diminution de la concentration en sodium, proposée pour mieux contrôler certaines hypertensions artérielles, est souvent mal tolérée avec céphalées et crampes musculaires.
·       La concentration du potassium peut être augmentée à 3 ou 4 mmol/L lorsque la déplétion (baisse) potassique en fin de dialyse est à l'origine de troubles du rythme cardiaque, surtout chez les sujets âgés; des résines échangeuses d'ions seront alors prescrites en dehors des séances.
·       La concentration du calcium de 1,75 mmol/L (3,5 mEq/L) est légèrement supérieure à la fraction diffusible du calcium pour éviter tout risque de bilan calcique négatif. Elle doit être abaissée lorsqu'il existe un risque d'hypercalcémie.
·       Le liquide de dialyse ne contient en général pas de glucose, la perte de glucose du sang vers le dialysat étant relativement faible (25 g par séance). Mais en favorisant le catabolisme protidique, elle peut majorer la dénutrition, et une concentration de glucose de 8 mmol/L est souvent conseillée, surtout chez les diabétiques.
Le bain de dialyse est préparé automatiquement et en continu par le générateur de dialysat qui réchauffe l'eau osmosée à 40°C et la dégaze avant son arrivée dans un module de mélange. La préparation du dialysat à l'acétate nécessite un concentré à diluer 35 fois. La préparation du dialysat au bicarbonate, actuellement le plus utilisé, varie selon les générateurs : soit préparation volumétrique avec un concentré acide à diluer 35 fois et un concentré bicarbonate à diluer 20 fois, soit préparation conductimétrique, le mélange de concentrés acide et bicarbonate et de l'eau étant déterminé par des sondes de conductivité.


     D) Le circuit extracorporel


C'est dans le circuit extracorporel, à usage unique, que circule le sang du patient. Le sang quitte l’organisme par l’abord vasculaire mis en place chez le patient (fistule ou cathéter) et emprunte une tubulure (ligne artérielle) qui aboutit au rein artificiel dans lequel il va être filtré. Le sang épuré est ensuite restitué au patient via le même abord vasculaire mais en empruntant une autre tubulure (ligne veineuse). Ce circuit comporte un oxygénateur qui assure une bonne oxygénation du sang du patient, une pompe artérielle qui remplace le ventricule gauche et un échangeur thermique pour varier la température du sang réinjecté au malade.

   








     






     E)    La membrane


Les membranes de dialyse essaient d'imiter le plus possible les propriétés de perméabilité de la membrane de filtration du glomérule rénal. Elles sont des polymères d'origine soit naturelle (cellulose) soit synthétique.
L'industrie a mis au point un grand nombre de membranes qui se différencient en fonction des critères de perméabilité :
·       perméabilité à l'eau: le coefficient d'ultrafiltration, égal au nombre de millilitres/ heure d'ultra filtrat pour chaque millimètre Hg de pression transmembranaire, est caractéristique de chaque membrane;
·       perméabilité aux solutés (coefficient de tamisage): l'urée et la créatinine (poids moléculaire 60 et 130 daltons) passeront plus facilement que la vitamine B12 (PM 1350). La perméabilité varie en fonction de l’épaisseur (10 à 40 microns) et le diamètre des pores (0,7 à 20 microns). Ces deux types de membranes arrêtent de filtrer à partir d’un poids moléculaire légèrement supérieur à 68 000 Da (g/mol) qui représente l’albumine (une protéine). On appelle cela la zone de coupure. Une membrane basse perméabilité perdra de son coefficient de tamisage beaucoup plus vite qu’une haute perméabilité en fonction du poids moléculaire des solvants filtrés.

Structure biochimique des membranes
On distingue deux types de membranes :
·       Les membranes cellulosiques sont dérivées de la cellulose naturelle, régénérée par différents procédés et éventuellement modifiée pour améliorer leurs performances. Elles sont hydrophiles et lorsqu'elles sont suffisamment fines elles procurent une excellente élimination des petites molécules combinée à une élimination d'eau modérée. Leur inconvénient est leur interaction avec les éléments du sang à l'origine de problèmes de biocompatibilité.
·       Les membranes synthétiques ont une perméabilité hydraulique supérieure et une meilleure compatibilité biologique.

3. Être dialysé

     A)    Régime alimentaire

Le régime alimentaire est un problème important pour le dialysé, étant donné que la plupart des "déchets" et de l'eau en excès provient de l'alimentation : l'alimentation doit donc être contrôlée. Le régime doit permettre un bon état nutritionnel, condition indispensable pour une dialyse "adéquate". Mais il doit éviter plusieurs écueils : trop de sel, trop de potassium, trop d'eau, pas assez de calories, pas assez de protéines..., beaucoup de contraintes autour desquelles le sujet devra apprendre à naviguer. L'aide d'une diététicienne est indispensable, surtout au début, pour bien comprendre ce qu'il faut faire.
Sel
Le sel (NaCl), mélange de chlore (Cl) et de sodium (Na) est un constituant essentiel de l'organisme. La ration alimentaire quotidienne, indispensable à l'équilibre, comporte environ 0,50 grammes (25 mmol) de sel. Or, avec les habitudes alimentaires actuelles, les apports de sel sont 20 à 40 fois supérieurs. Face à un tel apport, variable d'un individu à l'autre, l'organisme maintient le taux sanguin de sodium à un niveau constant (142 mmol/L) par l'élimination urinaire.
Chez un patient dialysé, le sodium s'accumule, entraine une rétention d'eau et une hypertension artérielle. La restriction est indispensable, sans elle les médicaments antihypertenseurs sont inefficaces et la prise de poids entre chaque dialyse est trop importante.

Eau
La restriction liquidienne est une des grandes contraintes de l'hémodialyse, surtout au début de traitement. Chez un malade bien équilibré, avec une dialyse "adéquate" et un poids sec stable, la restriction liquidienne devient moins sévère, surtout s'il existe une diurèse résiduelle, plus ou moins entretenue par un diurétique. La quantité de liquide autorisée sera donc : diurèse résiduelle + 500ml.
Si la diurèse est nulle, l'apport liquidien ne doit pas dépasser 800 ml/j. On conseille au malade de boire par petites quantités réparties dans la journée, de sucer des glaçons en été, et d'éviter les boissons sucrées qui augmentent la soif. Une prescription standard est la suivante :
a.     bol de café de 200 mL au petit déjeuner
b.     un verre d'eau de 150 mL au déjeuner
c.      une tasse de thé de 150 mL en milieu d'après midi deux verres d'eau de 150 mL le soir au diner

     B)  Les risques

·        Pour les diabétiques de type I ou II, il y a un risque d’hypoglycémie car la une perte de glucides est d’environ 15 à 30g par séance, la dialyse au bicarbonate est donc conseillée dans ce cas.
·        Crampes musculaires : même si elles ne sont pas dangereuse et touche principalement les membres inférieurs, elles sont très douloureuses.
·        Nausée : les nausées ou vomissements au cours d’une dialyse sont en général le signe d’une chute de tension.
·        Syndrome des jambes lourdes et fatigue extrême qui apparaissent lors des premières séances.
·        Convulsions qui résultent d’une hypotension artérielle sévère chez un patient à risque (âgé ou diabétique)
·        Troubles du rythme cardiaque qui entrainent une fibrillation ventriculaire (touche les personnes ayant subis un ou plusieurs pontages coronariens).